Version longue de ma tribune dans le Petit Web
Beaucoup d’entreprises se trompent de combat dans leur processus de transformation digitale. Certaines lancent de multiples projets dans le e-commerce, les big data ou encore les réseaux sociaux. D’autres fournissent des tablettes à leurs salariés, recrutent des CDO et/ou des geek de la génération Y ou encore mettent en place des plans de formation plus ou moins efficaces. C’est nécessaire, cela donne des signes de digitalisation de l’entreprise, ça rassure les actionnaires… mais c’est loin d’être suffisant.
Pourquoi ? Parce que l’on confond la fin et les moyens !
L’un des impacts les plus conséquents de la révolution digitale pour les entreprises, c’est le pouvoir incroyable qu’elle donne à leurs clients. En effet, avec le digital, ils peuvent comparer les prix, s’échanger des bons plans, s’informer sur les produits et même partager, louer ou vendre leurs biens et services comme jamais auparavant. Les nouvelles licornes surfent allégrement sur ces tendances de fond ubérisant toute une partie des entreprises traditionnelles. Surtout, ces start-up habituent les consommateurs à des services interactifs ultra-compétitifs parce que très agiles, hyper-personnalisés, pro-actifs et souvent gratuits ! Je pense que la majeure partie des entreprises n’a pas encore complètement intégré les conséquences en terme de comportements clients : plus d’exigences, moins de patience, plus d’attentes, moins de fidélité et une mise en concurrence permanente. Le client prend le contrôle et ce n’est qu’un début !
Côté marketing et communication, la marque coïncide de plus en plus avec ce qu’en disent les clients et de moins en moins à ce qu’en dit la pub. L’image ne vient plus d’en haut mais de l’expérience qu’en ont les gens et de ce qu’ils en racontent sur les media digitaux. C’est l’expérience client, et son partage sur les réseaux, qui devient le fondement de l’image de la marque et ça change tout.
Du coup, il est urgent pour les marques de montrer de la considération pour leurs clients : il faut apprendre à dialoguer avec eux, à les écouter, à les connaître et à les satisfaire. Pour une entreprise, la relation avec les clients est désormais constitutive de son image. C’est un changement de paradigme majeur par rapport au modèle publicitaire classique.
Plutôt que « transformation digitale », nous ferions donc mieux de parler de « transformation client ».
La transformation digitale est un moyen de la transformation client. Les entreprises l’oublient trop souvent ! La transformation digitale n’est pas une fin en soi. Elle doit avant tout servir une orientation client de l’ensemble de l’entreprise. La force des GAFA ou des NATU tient moins à leur maîtrise du digital qu’à l’exploitation client qu’ils en font. La puissance d’Amazon ou d’Uber, c’est la manière dont ils exploitent la data et d’autres innovations digitales pour servir toujours mieux, plus vite et moins cher, leurs clients.
Car si le digital donne de nouveaux pouvoirs aux clients, ils donnent aussi de nouveaux moyens aux entreprises :
- Le data-marketing permet aujourd’hui une connaissance inouïe des clients offrant ainsi la possibilité d’aller au-devant de leurs attentes.
- L’automatisation et l’industrialisation de la relation client permettent de leur côté de personnaliser les interactions entre la marque et ses contacts.
- La réduction des coûts inhérente au digital permet de donner davantage de pouvoir d’achat aux consommateurs.
- L’innovation servicielle fournit aux clients des réponses globales à leurs besoins et rend possible une expérience de marque qui dépasse de loin les discours publicitaires classiques.
Cette liste est loin d’être exhaustive. Les moyens sont multiples, puissants et très diversifiés. Surtout, ils s’en inventent tous les jours de nouveaux et les innovations succèdent aux innovations. Mais du coup, beaucoup trop d’entreprises se perdent et s’épuisent dans cette explosion des possibles. Elles multiplient les tests, les POC, subventionnent ou rachètent des Start-up, créent des entités dédiées, etc. Et doivent parfois revoir complètement leur copie dès qu’un changement de direction intervient.
Pour éviter cette dispersion, un fil rouge est nécessaire. Or dans la plupart des cas, la transformation digitale manque cruellement de vision… client ! On reste sur les moyens sans creuser la finalité et sans expliciter une road map qui concrétiserait comment l’entreprise doit désormais exploiter le digital pour mieux servir ses clients. Les POC, les CDO et autres rachats de start-up ne sont utiles qu’à partir du moment où l’entreprise a une vision claire de là où elle veut aller, des services qu’elle veut offrir, des innovations qu’elle doit mettre en œuvre pour se rendre incontournable. Cette vision client est un préalable à toute transformation possible. Elle doit expliciter le fil rouge qui va donner du sens à la transformation et driver la road map des services et innovations à mettre en place.
La transformation client possède de multiples aspects qu’il est impossible de résumer dans une tribune mais un aspect particulièrement structurant concerne la place de l’humain. Contrairement aux idées reçues, le digital n’implique pas moins d’humain. Au contraire ! Avec le digital, les interactions entre les clients, les collaborateurs et les autres parties prenantes de l’entreprise sont démultipliées, ouvertes et intenses. De fait, la transformation client ne pourra se faire sans une profonde transformation managériale. Pour avoir des clients heureux et satisfaits, il faut des collaborateurs heureux et satisfaits. La symétrie des attentions est l’une des clés du succès des entreprises orientées clients comme Zappos aux USA ou Leroy Merlin et Décathlon en France. Le digital impose cette évolution pas uniquement parce que les générations Y et Z arrivent au sein des entreprises mais aussi parce que la satisfaction client le nécessite. Ressource humaine et marketing participent du coup à la même mission : satisfaire le client.
Nous ne sommes qu’aux débuts de la révolution digitale. Après le web, les réseaux sociaux, le big data, arrivent désormais l’Intelligence Artificielle, l’Internet des Objets, la réalité virtuelle, l’évolution des interfaces hommes-machines… Tout cela va profondément faire exploser nos repères mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue l’objectif : toujours mieux servir les clients car in fine ce sont bien eux qui génèrent du business !
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