Version longue de ma tribune dans Marketing Magazine : Data Planning et Data Créativité
La multiplication des données disponibles donne au marketing de nouveaux pouvoirs et de nouveaux champs à explorer, à l’instar de ce qui s’est produit pour le digital il y a quelques années.
Concrètement deux applications marketing de la data me semblent particulièrement intéressantes :
- l’appréhension d’insights, de signaux faibles ou encore l’identification de segments de marché insoupçonnables de manière classique ;
- un marketing beaucoup plus ciblé et personnalisé tout au long de la customer journey.
Le premier sujet bouleverse la connaissance conso et le planning stratégique tandis que le second a un impact direct sur la manière de concevoir et de créer des dispositifs marketing.
La créativité publicitaire s’est traditionnellement toujours nourrie d’insights consommateurs provenant d’études ou de recherches empiriques. Une exploitation fine de la data permet désormais d’appréhender les consommateurs d’une manière inédite. Les données peuvent désormais provenir de dispositifs CRM mais aussi du comportement de navigation online, de l’open data, des réseaux sociaux, des verbatim client ou encore d’objets connectés. Rassemblées au sein d’un datamart « big data », cet ensemble de données permet d’explorer les attentes des consommateurs et de comprendre les raisons de leurs comportements, d’identifier leurs prochaines lubies et de mieux cerner les leviers pour les séduire.
Le second sujet fait couler beaucoup d’encre depuis l’émergence du One to One, il y a déjà 15 ans. Aujourd’hui ce marketing ultra ciblé et personnalisé devient réalité, ou presque. Du retargeting aux objets connectés en passant par les applications smartphone personnalisées et géolocalisées, les marques ont désormais la possibilité d’offrir à leurs consommateurs des services, des contenus et des promotions de plus en plus ciblés. Dans la vraie vie, c’est encore compliqué pour différentes raisons : complexité des systèmes d’information, organisation en silos des entreprises, obstacles juridiques, manque de culture techno des marketeurs et parfois de leurs agences… Mais c’est le sens de l’histoire et le marketing personnalisé est plus que jamais à portée de mains.
On le voit bien : la data, et plus généralement la technologie, introduit une rupture dans la mesure où elle rend possible de nouveaux modes de recueil et d’analyse d’insights et de nouveaux champs de créativité. Pour devenir réalité, cette révolution nécessite néanmoins de revoir en profondeur la manière dont nous faisons du marketing et de la communication !
A chaque étape du process de création et de production des campagnes de communication et/ou des dispositifs marketing, il devient nécessaire :
- d’intégrer très en amont la technologie et la data de manière à exploiter au mieux leurs potentiels. Technologies et data ne doivent pas arriver à la fin du process de conception d’une campagne ou d’un dispositif comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui mais dès la recherche d’insights.
- de travailler en étroite collaboration avec de nouveaux profils : UX, data scientist, creative technologist, data manager, dataminer, etc. Au delà de ces profils encore trop rares, c’est surtout la capacité à faire travailler ensemble informaticiens, statisticiens, planneurs stratégiques, créatifs et web designer qui est essentielle.
- De mettre en place une gestion de projet transversale qui intègre la DSI mais aussi le digital, le réseau (retail), le CRM, le juridique voire parfois les RH.
- d’être conscient que cette nouvelle façon de gérer les campagnes de communication et dispositifs marketing nécessite d’un côté plus de méthode, de rigueur et de process et de l’autre, plus d’ouverture et de curiosité. A ce titre les méthodes du « Creative thinking » sont assez adaptées pour les phases amont de conception tandis que les méthodes AGILE peuvent être recommandées pour les phases d’intégration et de production.
La matière du processus créatif en publicité est essentiellement constituée d’images, de mots, de formes, de mouvements et de sons. Désormais, de nouvelles dimensions sont apportées par les données, l’interactivité, le temps réel, l’open data, la réalité augmentée ou encore les objets connectés.
Ce sont ces nouvelles dimensions qu’il faut désormais creuser, exploiter, manipuler et façonner. La nouvelle créativité s’appuie sur le data planning, se nourrie de ses données et de ses algorithmes, et se concrétise dans des dispositifs techno-marketing qui apportent une utilité concrète et du sens aux consommateurs.
Nous ne sommes qu’aux prémices du data planning et de la data créativité !
Côté agences, les mieux préparées sont celles qui ont déjà intégré des compétences data et techno et surtout qui n’ont pas peur de mettre parfois les mains dans le cambouis. Il n’est plus suffisant de savoir de loin comment cela fonctionne. Il faut s’immerger dans les flux de données, les algorithmes, les fonctionnalités logicielles et les web services pour véritablement innover.
La data créativité impose des équipes pluridisciplinaires, des profils hybrides mais aussi de l’audace et une démarche test & learn. A ce titre, il ne faut pas craindre de se tromper, de remettre en cause ses premières idées voire ses premiers POC. La mise en place de KPI’s est du coup essentielle pour mesurer et contrôler la pertinence et l’efficacité de sa démarche. Là encore, il ne faut pas avoir peur des tableurs excel. La nouvelle créativité ne s’appuie pas que sur Power Point et Photoshop…
Coté annonceur, l’obstacle essentiel à franchir est organisationnel et culturel. Il faut allier audace, désilotage, curiosité, culture techno et marketing « customer centric ». Ces obstacles ne sont pas minces surtout lorsque la Direction Générale n’est pas convaincue. Or l’enjeu est bien là. Ce n’est pas qu’une affaire de marketing et de communication, c’est toute l’entreprise qu’il faut orienter vers le data marketing et l’optimisation de l’expérience client !
Si la digitalisation apporte de nouveaux pouvoirs aux consommateurs, les marques peuvent résister et mieux encore enthousiasmer leurs clients en exploitant au mieux le data marketing. Les maîtres du jeu de demain seront ceux qui possèdent la data et les technologies pour cibler et engager les consommateurs. Google, Apple, Facebook et Amazon l’ont bien compris. Les marques doivent aujourd’hui se réveiller et mettre en place leurs propres assets data marketing pour ne pas devenir les esclaves des GAFA. Il est encore temps. Vous commencez quand ?