Passé inaperçu en plein milieu de l’été, le lancement de l’appel d’offre du gouvernement britannique pour son projet midata est pourtant une petite révolution. L’objectif de ce projet est de redonner du pouvoir au consommateur en lui permettant de s’approprier les données le concernant. Ces données sont pour l’instant entre les mains d’organisations privées : banques, opérateurs télécom ou énergétique, marques ou enseignes. Collectées au fur et à mesure de la relation commerciale, elles permettent d’avoir une connaissance assez approfondie du profil des consommateurs. L’objet de l’appel d’offre est de mettre en place une plateforme qui permettra de normaliser et d’échanger ces données. Le gouvernement britannique va fortement inciter les entreprises à partager de manière plus ouverte les données personnelles qu'elles possèdent sur leurs clients. Cela permettra à ces clients de ré-exploiter ces données et de les valoriser auprès d’autres marques. Concrètement, imaginez que votre banque ou que votre opérateur télécom vous permette d’accéder et de télécharger vos données de consommation. Cela vous permettra d’aller voir d’autres banques ou d’autres opérateurs pour qu’ils puissent vous faire une offre personnalisée au meilleur prix correspondant à votre profil de consommation.
Comme l’indique Norman Lamb du ministère en charge du dossier : « Technology has allowed businesses to understand their customers’ needs and buying patterns to an unprecedented degree. At the moment consumers are at a disadvantage because the vast majority of them do not have the ability to use that same data to help their own decisions. The midata programme aims to redress this imbalance. » L’idée est bien de ré-équilibrer les pouvoirs entre les marques et les consommateurs.
Ce projet concrétise et met en pratique les concepts du VRM (Vendor Relationship Management). Le VRM retourne comme un gant le CRM (Customer Relationship Management). Le CRM permet à une entreprise de gérer ses relations avec ses clients. Avec le VRM, c’est le client qui gèrera sa relation avec les marques : les consommateurs posséderont leur propre centre de données personnelles qu’ils partageront ou pas et de manière sélective avec ces organisations ; ils pourront donc faire le tri entre les marques qu’ils aiment et les autres ; ils déclareront leurs centres d’intérêts pour éventuellement être abordés par d’autres marques qu’ils ne connaissent pas ; ils pourront formuler des demandes de services ou de produits sur des dispositifs qui rechercheront automatiquement les meilleures offres pour eux ; ils pourront même lancer un appel d'offre pour trouver l'offre télécom qui répond le mieux à leurs attentes et à leur profil ou encore pour trouver le voyage à Bali de leurs rêves !
Selon Doc Searls, récent auteur du livre « The intention economy» qui fait référence sur le VRM, nous allons passer d’une « économie de l’attention » à une « économie de l’intention ». Dans la première, les marques cherchent à capter l’attention des consommateurs pour les séduire et vendre leurs produits. Dans la seconde, ce sont les consommateurs qui vont expliciter leurs intentions d’achat et les items (passions, hobbies, centres d’intérêts, etc.) sur lesquels ils veulent bien être interpellés par les marques. Les marques n’auront plus la primeur de la relation, il y aura un rééquilibrage et une meilleure symétrie dans les dispositifs de pouvoir et de savoir entre les deux. De même, le consommateur sera protégé de l’intrusion publicitaire : c’est lui qui décidera du rythme des sollicitations et des canaux de relation.
La décision du Gouvernement Britannique est donc à la pointe des tendances sociétales et technologiques. Elle devance une demande encore peu explicite mais dont l’émergence ne saurait tarder. La démocratisation de l’usage des réseaux sociaux en est un premier signe. Reste à voir si un gouvernement est le plus à même pour remplir le rôle de tiers ou de quart de confiance dans le cadre du VRM. Il est étonnant que des entreprises comme Google ou Facebook ne proposent pas des offres de services similaires. A suivre !
Lire aussi :
Ma synthèse du livre de Doc Searls
Un premier billet sur le VRM
Une synthèse du VRM sur le site de la FING