(Version longue de ma tribune dans Stratégies du 18 février)
On parle de plus en plus de « Social Media Marketing» ou de "Social Media Management", autrement dit de gestion de la présence de la marque sur les médias sociaux (Facebook, Twitter, etc.). De nombreux annonceurs s'interrogent sur la nécessité d'investir dans ces dispositifs et/ou sur les modalités de cet investissement : quelle veille mettre en place pour savoir ce qui se raconte sur la marque et ses produits ? Comment réagir à des messages négatifs ? Comment inciter les internautes, et plus spécifiquement les influenceurs, à parler en bien de la marque ?
La littérature sur le sujet est de plus en plus abondante dans les blogs, la presse et les conférences se multiplient sur le sujet.
C'est en effet un sujet clé pour deux raisons :D'une part, il est indéniable que les avis de consommateurs prennent une place considérable sur le net : une étude menée sur les 110 premières marques de l'Hexagone révèle que 30,4 % des 100 premières réponses obtenues en cherchant une marque sur Google sont des messages émis par des internautes.
D'autre part, on sait également qu'une grande partie des internautes prépare ses achats sur le net (jusqu'à 80% dans le secteur automobile !). Internet est donc une source d'information très prisée des consommateurs avant d'acheter un produit que cet achat ait lieu sur internet ou non.
Ces deux faits permettent de comprendre immédiatement l'importance de la mise en place de dispositifs de dialogue avec les internautes sur les médias sociaux digitaux.
Comme le disent très bien les auteurs de « Marketing in the Groundswell »: « Brand is whatever people say it is ». L'image de la marque est de plus en plus liée à sa réputation, à ce que les internautes en disent, au contenu de ces conversations sur le net.
Pour autant, je trouve très dommage que les annonceurs se ruent sur le Social Media Management avant d'avoir respecté quelques basiques !
En effet, si ces investissements sont désormais incontournables, un certain nombre d'annonceurs entame une démarche de Social Media Management avant d'avoir mis en place le minimum nécessaire pour connaître leurs clients, les reconnaître, dialoguer avec eux, recueillir et traiter leurs insatisfactions.
Avant qu'un internaute ne déverse sur le net toutes les raisons qu'il a de déconseiller un produit ou un service, il émet la plupart du temps un nombre considérable de signes et de messages qu'il appartient à la marque de détecter, de recueillir et de traiter. Que cela soit directement en boutique auprès d'un vendeur, au téléphone ou par email, ces messages doivent pouvoir être traités.
Avant même qu'un client ne s'adresse ainsi directement à la marque, d'autres signes peuvent également révéler une désaffection voire un problème sous-jacent : arrêt des achats, arrêt des visites sur le site web, augmentation du taux de churn, augmentation du taux de désabonnement aux emails, baisse des taux d'ouverture et de clic, etc. L'ensemble de ces signes directs ou indirects, conscients ou inconscients, peuvent être détectés par une marque. Différents dispositifs CRM peuvent aider une entreprise à identifier des problèmes clients : remontées du personnel de vente, SAV, numéro vert, formulaire online, suivi récurrent des actes d'achat, mise en place d'une base de données client, RFM, datamining, etc. Il appartient ensuite à l'entreprise de traiter rapidement ces problèmes de manière à éviter que ces clients déçus n'aillent ensuite sur les réseaux sociaux répandre des informations négatives.
Avant d'investir dans le Social Media Management, il me paraît essentiel d'écouter REELLEMENT les clients et de régler CONCRETEMENT leurs problèmes, bref, de mettre en place un CRM efficace. Passer à l'étape SMM sans avoir de CRM me semble absurde ! C'est vouloir construire une maison sans fondations. Mais ce n'est pas le pire, cela revient également à ne voir dans le Social Media Management qu'un énième outil de communication. Or il me semble que le SMM est bien plus qu'un simple support de « communication », dans le sens négatif du terme. Il ne s'agit pas de « marketing », mais bien d'entamer un dialogue transparent et constructif avec les consommateurs. Ces derniers ne veulent plus être bernés, ils veulent être entendus, compris et pris en compte. Ils veulent que leurs problèmes soient réglés.
L'engouement actuel pour les réseaux sociaux est une très bonne chose. Certaines marques découvrent enfin qu'elles ont un public ! Je trouve en revanche très dangereux d’envisager ces réseaux sociaux uniquement sous le prisme de la « communication publicitaire », de voir dans ces dispositifs uniquement de nouveaux espaces pour présenter et magnifier la marque. Cela ne correspond ni à leur nature interactive et participative, ni aux attentes des internautes. Bref, il ne faut surtout pas manipuler et bluffer le consommateur, c'est-à-dire exploiter de manière superficielle les méthodes du SMM.De fait, la montée en puissance de la caisse de résonnance du web nécessite surtout de la part des entreprises une attention aigue de leurs relations avec leurs différents publics et notamment leurs clients. Désormais, un client déçu a la capacité de le faire savoir à plus de 10 personnes... Une marque qui ne saura pas satisfaire ses clients en les écoutant et en réglant leurs problèmes ne pourra plus jamais devenir une lovely marque. La relation client est désormais constitutive de la marque. La relation fera la marque. Au delà de la réputation, il s'agit bien pour la marque de répondre de soi, de s'engager, d'être là, sans l'écran de la pub, sans le masque de l'image et sans la distance du média.
Pour répondre au client, pour améliorer sa relation, le CRM et plus globalement le marketing client deviennent incontournables. Pour que les internautes parlent en bien de la marque et de ses produits, pour qu'ils en recommandent l'achat et l'usage, il faut « simplement » revenir aux basiques : un bon produit et une bonne relation commerciale. Il ne sert à rien d'investir dans le Social Media Management si ces deux éléments ne sont pas réalisés. Ensuite, une fois cette étape réalisée, on peut, on doit, optimiser sa réputation, favoriser l'émergence et la diffusion de messages positifs, voire faire participer les clients à l'amélioration des produits. Le SMM se révèle alors un outil formidable, innovant et qui répond à une attente réelle.Là encore, il ne faut pas sous-estimer l'investissement que représente la mise en place d'une telle démarche. Si l'on est d'accord avec le fait que le SMM va bien plus loin qu'une simple tactique de communication, il faut également admettre que c'est l'ensemble de l'entreprise qui doit être impliquée dans la démarche. Cela n'est pas uniquement l'affaire du marketing mais également de l'ensemble des collaborateurs de la marque. Tous doivent s'engager à participer, à répondre et à échanger avec les clients. La frontière entre l'externe et l'interne sera de fait de plus en plus poreuse et diffuse. Les ambassadeurs de la marque seront autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise. C'est donc bien toute l'entreprise qui doit s'orienter client en mettant en place des solutions d'écoute, de dialogue et de satisfaction.
Cette orientation ne va malheureusement pas de soi. Dans les écoles de commerce, le marketing orienté client est encore relativement peu enseigné. Le marketing produit est toujours majoritairement diffusé. Les évolutions en cours vont nécessiter une forte remise en question de cette vision et de cette tradition kotlerienne du marketing.La révolution copernicenne du client arrive donc enfin ! Et les entreprises ne pourront pas faire l’économie de sa mise ne place au sein de leur organisation. Après avoir été annoncée depuis presque 20 ans, l'orientation client du marketing devient une condition de survie. La relation et la satisfaction client feront et déferont les marques. Les mauvais élèves et surtout les enfumeurs n'ont qu'à bien se tenir !